Un soir de grisaille et de déprime, où je remets tout en question, à cause d’un mec que j’aime et qui ne me le rend pas – un classique chez la trentenaire parisienne désabusée – je broie du noir entre deux larmes. Ma colloc/meilleure amie/confidente essaie de me secouer et me vole dans les plumes pour me sortir de mon coup de blues du dimanche soir.

« Télécharges Tinder meuf ! Ça t’occupera l’esprit et, dans le meilleur des cas, tu rencontres un mec qui te sortira l’« autre » de la tête. »

Dans un élan, à la limite du désespoir, je clique sur « installer » dans l’App Store et me voilà heureuse  détentrice du saint graal du sexe. Je dois me connecter avec mon compte Facebook et l’idée de lier ces deux comptes ne m’enchante qu’à moitié. Cependant, l’appel de la facilité est plus fort et je finis par capituler après 3 petites minutes de réflexion intense.

Je me dis que c’est idiot, que je m’en tape de tous ces mecs qui n’ont qu’une envie c’est de s’envoyer en l’air, alors que moi je ne pense qu’à « lui ». Je me dis que je ne suis pas dans un bon mood, un bon mindset, comme on dit, et j’hésite à désinstaller l’appli.

Finalement je ne la désinstalle pas et je vais boire un verre avec mes copines pour oublier ma détresse amoureuse. Ca picole sec et après quelques verres on rigole fort et on se moque pas mal du reste du monde. L’alcool tourne les têtes et rend plus léger ; en riant on dégaine le smartphone et chacune se met à « swiper » les mecs. Un à gauche, deux à droite, et voilà le premier match. Et c’est l’engrenage. Cette application a ce même pouvoir addictif que Candy Crush, c’est un vrai jeu ! La dimension séduction en plus. Enchaîner les coups d’un soir te donne désormais autant de points que d’aligner des bonbons !

Bienvenue en 2018, l’année où la futilité est devenue monnaie courante…

A coups de « Plutôt dominatrice ou soumise ? » ou de « que cherches-tu sur Tinder ? » les hommes filent et défilent mais, finalement, cette question presqu’anodine devient cruciale : après tout, qu’est-ce qu’on recherche vraiment ?
Agrandir un tableau de chasse, ajouter des photos de BG à notre carnet rose, accumuler les amants pour ne pas penser à nos problèmes profonds. Se fixer des objectifs égocentriques et superficiels pour éviter de se confronter à de réelles questions. Se prouver que l’on peut « se taper » le mannequin de 23 ans qu’on a « superliké » y a deux jours ne sert qu’à se rassurer sur notre physique jamais suffisamment parfait.

En définitive, nous sommes en recherche perpétuelle d’un bonheur inatteignable et d’une perfection inexistante. Physique, mentale, sexuelle… Je veux plaire au beau gosse d’à côté, je veux être belle, je veux qu’on me regarde et qu’on me désire. Mais pourquoi les mecs n’en veulent qu’à mon cul ? Je ne suis pas qu’une jolie gonzesse, j’ai un cerveau, je sais réfléchir, je suis cultivée…
Et puis moi aussi j’ai envie de kiffer ma soirée, envie de prendre mon pied, envie de maîtriser l’interaction.

En somme, une nana n’est jamais vraiment contente, jamais pleinement satisfaite. Une histoire chromosomique de double x qui empêche l’accès facile au bonheur ? C’est contextuel, voire historique, la femme réfléchit trop et ne se laisse pas suffisamment aller. Pour la simple et bonne raison que si elle le fait pleinement elle est rapidement identifiée comme une fille légère, une fille de mauvaise vie.

Bienvenue en 2018, où les mentalités auraient dû évoluer.

L’ère d’un féminisme acharné aurait dû instaurer une nouvelle façon de penser, désinstaller ce patriarcat ancestral aussi facilement qu’on désinstalle une application sur son smartphone. Aujourd’hui la femme souhaite reprendre le contrôle, le contrôle de son corps, le contrôle de sa vie. Ne pas avoir d’enfants, et alors ? Après tout, ça me regarde, non ? Ne pas me marier, ne pas vivre une vie bien rangée.

Je n’ai pas de compte à rendre à une société malade, mais je ne peux m’empêcher de me dire qu’il y a des règles à respecter. Je ne veux pas m’y plier mais je ne sais comment y échapper. J’ai envie de vivre comme je l’entends mais je suis polluée par des mots qui ne me parlent pas.

Bienvenue dans le cliché de la trentenaire parisienne désabusée…

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